Foire Aux Questions
Le bâton, en anglais, du fait de sa forme rectiligne et pour le moins minimaliste… Et histoire de tordre le cou à des questions trop souvent entendues : non, ce n’est pas un instrument d’origine indienne, mais un instrument relativement récent dont la première commercialisation date de 1974 !
Emmett Chapman est l’inventeur du Chapman Stick, qui porte donc son nom. Né en 1936, ce guitariste – amateur très éclairé – n’avait de cesse d’apporter des modifications à sa guitare (ajout de cordes, rallongement du diapason du manche…), tout en gardant une technique traditionnelle (picking, strumming…). En 1969, il découvre une nouvelle technique de jeu sur cette guitare, le tapping : les deux mains tapent sur les cordes de son instrument de manière indépendante, un peu comme le ferait un pianiste ; le manche de son instrument est tenu quasi verticalement pour faciliter les déplacements de ses mains. Il développe alors un instrument nouveau pour faciliter l’emploi de cette technique. Il donne à cette nouvelle technique de jeu le nom de Free Hands.
Contrairement aux idées reçues, le tapping n’a pas été inventé par Eddie Van Halen. Ce dernier fait partie des musiciens qui ont popularisé une technique de jeu auprès du public, mais cette technique était pourtant déjà apparue en différents lieux des années auparavant. Parmi les précurseurs, on notera les noms de Jimmy Webster, Dave Bunker et Harry DeArmond.
Cette méthode de jeu consiste à taper les cordes du bout des doigts. Contrairement à une technique traditionnelle où deux mains sont nécessaires au guitariste pour émettre un son (une main « frettant » les notes/accords sur le manche, l’autre frottant les cordes), la technique du tapping permet de produire un son avec seulement une main ou un doigt. Le fait de taper la corde entre deux frettes et de maintenir son doigt appuyé produit une vibration de la corde entre ce point et le chevalet et donc l’émission d’une note. Le volume sonore est généralement assez faible, d’où le recours fréquent à des micros, afin de traduire la vibration de la corde en signal électrique pour amplification.
C’est le terme adopté par Emmett Chapman pour caractériser sa façon d’aborder la technique du tapping. En effet, il y a une différence fondamentale entre la technique inventée par Emmett Chapman et celle utilisée par la très grande majorité des guitaristes jouant en tapping, qui tient à la position du manche par rapport au corps du musicien. La position naturelle de jeu des guitaristes jouant en tapping (avec un manche tenu plus ou moins horizontalement) limite les mouvements des mains sur le manche : le poignet de la main droite (pour les guitaristes droitiers) est souvent cassé ou alors les doigts de la main droite se placent « naturellement » parallèles aux cordes. Avec Free Hands, Emmett Chapman change l’inclinaison du manche par rapport à son corps pour le placer en position quasi-verticale. Dès lors, les mains du musicien approchent le manche de chaque côté de celui-ci. Les doigts se trouvent positionnés dorénavant perpendiculairement aux cordes et parallèlement aux frettes, permettant ainsi une très grande liberté de mouvement et de déplacement.
Le Stick continue de faire partie de la famille des instruments à cordes, mais son design est extrêmement minimaliste par rapport à celui d’une guitare. Ici, plus de caisse, jugée inutile et handicapante. Seuls les éléments véritablement indispensables sont conservés : manche, micros, chevalet et sillet, frettes… Le manche est généralement fait d’une essence unique de bois (padouk, érable, tarara, chêne…) mais des instruments en matériaux plus novateurs ont été ou sont encore produits (graphite, bambou, carbone, aluminium…). En dehors de ce manche, un Stick comprend un certain nombre d’autres éléments, qui ont pu être améliorés au fil des années, et permettent d’ailleurs de dater l’année de production : sillet, truss-rod (ou tige de réglage), chevalet, formes de la pointe de la tête et de la plaque d’identification, frettes, forme des marqueurs sur le manche (inlays), type de modules micros.
Neuf, un instrument oscille entre 2 et 3000 dollars, hors taxes (TVA + taxes douanières) et frais de transport. Pour un acheteur français, un Stick s’achète directement chez Stick Enterprise.
Sur le marché de l’occasion, le prix peut varier entre 1000 et 2500 euros, en fonction de l’âge de l’instrument, son état et les options embarquées. Un article complet sur l’achat d’un Stick est disponible sur notre partie blog.
A ce jour (2021), Stick Enterprise a fabriqué près de 7000 instruments. Il y a donc tout au plus le même nombre joueurs dans le monde, mais si on considère que bon nombre d’entre eux ne le pratique que très occasionnellement et que d’autres possèdent plusieurs instruments, on peut estimer que le nombre de joueurs de Stick réguliers et actifs de par le monde reste très faible (probablement quelques centaines).
Si tout le monde s’accorde sur l’ingéniosité et la polyvalence de l’instrument, la question de la rareté est toujours sans réponse définitive… Plusieurs raisons expliquent la relative confidentialité de l’instrument :
– un instrument encore peu connu, n’ayant pas encore son Jimi Hendrix ou son John Coltrane ;
l- a politique commerciale défendue par Emmett Chapman, qui a souvent refusé des accords avec des importateurs ou des sous-traitants ;
– le prix (élevé pour un instrument neuf qu’on ne peut pas essayer préalablement à l’achat);
– l’absence de professeurs, et a fortiori, sa non-reconnaissance par le giron des écoles de musiques actuelles.
Le Chapman Stick étant un instrument électrique, il nécessite du matériel d’amplification. Il n’existe pas de règle en la matière, le matériel utilisé dépendra de choix esthétiques et des goûts du musicien. Il y a cependant quelques règles à garder à l’esprit :
– la sortie des micros est par défaut stéréo, ce qui suppose que l’amplification choisie doit pouvoir traiter deux signaux distincts
– la très large tessiture de l’instrument, il peut être préférable d’utiliser une solution d’amplification capable de retranscrire à la fois des fréquences graves et aiguës.
Ces contraintes connues, le choix du matériel se fera en fonction des goûts et des capacités financières de chacun.
En ce qui concerne les effets, rien n’oblige d’en utiliser. Mais comme tout instrument de musique amplifié, on peut en user et en abuser ! Le Stick peut bénéficier de tout l’attirail d’effets généralement utilisés par les guitaristes et les bassistes : overdrives, modulations, délais, réverbs… Seule limite : l’imagination !
Un article de notre blog fait un point sur l’utilisation des amplis et des effets.
Emmett Chapman a toujours considéré le Stick comme un blank slate, un outil « vierge ». Avec les instruments fabriqués à partir des années 90 qui comportent des éléments permettant de régler le Stick au plus près (chevalet réglable, truss rod), il est désormais possible d’utiliser n’importe quel accordage. Cependant, Emmett Chapman, qui a longuement réfléchi sur la question, propose un accordage très particulier qui, bien que déstabilisant de prime abord, continue de faire école : les cordes du bloc mélodique sont accordées en quartes ascendantes (donc très proches d’une guitare) tandis que les basses sont accordées en quinte ascendantes. Les cordes les plus graves de chaque bloc se retrouvent au centre de l’instrument.
Il a, au fil du temps, proposé d’autres accordages alternatifs, mais la grande majorité des joueurs conserve cette configuration quartes/quintes (avec parfois quelques aménagements mineurs).
Les jeux de cordes (qui sont plus ou moins des cordes de guitare et de basse, avec des tirants bien précis et une longueur plus grande que celles trouvées dans le commerce) s’achètent auprès de Stick Enterprise ou auprès de fabricants particuliers (par exemple, Newtone en Grande-Bretagne).
Derrière le micro, un belt hook (crochet de ceinture) fixé sur le manche permet d’arrimer l’instrument à la ceinture du pantalon. Une lanière accrochée au niveau du sillet passé à la tête et sous le bras droit du joueur permet d’obtenir une inclinaison idéale de jeu (environ 30° par rapport à la verticale). Par ce double système, le poids de l’instrument est essentiellement porté par la ceinture, ce qui fait que l’instrument, malgré son poids approximatif de 3 à 4 kilos (selon les modèles et/ou le matériau principal utilisé) n’est pas ressenti comme « lourd ».
Un des nœuds du « problème »! Il existe plusieurs moyens d’apprendre cet instrument, tous complémentaires, mais il faut bien reconnaître que, souvent, l’apprenti stickiste apprend seul avec l’aide de divers outils :
– les bonnes vieilles méthodes « papier » : elles permettent de mettre sérieusement un bon pied à l’étrier, d’autant plus que certaines d’entre elles sont destinées aux débutants et sont plutôt bien faites ;
– des vidéos pédagogiques, payantes ou en libre accès sur des plateformes telles que Youtube ;
– des rencontres, organisées sous forme de séminaires ou masterclasses, sur un ou plusieurs jours, par l’AFSTG ou d’autres structures dans d’autres pays ; ces cours accueillent des joueurs débutants comme très expérimentés. Ce sont des occasions parfaites pour faire évoluer son jeu et le confronter à d’autres personnalités ;
– les rencontres virtuelles avec des outils numériques comme Skype ou Zoom permettent de contourner partiellement le problème de la dissémination des joueurs. Certains joueurs expérimentés proposent des cours périodiques payants par ce moyen.
Un article complet sur la pédagogie est disponible sur notre blog.
Le Stick étant un instrument semblable au piano par son approche, il nécessite des partitions à double portée (clé de sol + clé de fa), avec cependant deux différences :
– du fait de la très large tessiture du bloc basse en raison de son accordage en quintes, le lecteur fait face à un grand nombre de lignes additionnelles, notamment pour la lecture d’accords à la main gauche ;
– par ailleurs, à la différence d’un clavier de piano où une note n’apparaît qu’une seule fois, le manche d’un Chapman Stick voit une note reproduite en plusieurs emplacements.
Dans son livre Free Hands, Emmett Chapman développe un système de tablature, utilisant des symboles pour signifier quel doigt doit être utilisé pour jouer la note en question. Ce système est développé ultérieurement, en collaboration avec Greg Howard au sein de la méthode The Stick Book, où il est « fondu » avec un système de notation classique. Quoique exhaustif, il peut se révéler complexe à lire.
Le son du Stick, à l’état brut, est relativement similaire à celui de la guitare ou de la basse (électriques). Mais il diffère de ces instruments par un son plus percussif et précis, du fait de l’utilisation de la technique du tapping. L’utilisation de micros développés spécifiquement pour l’instrument, ultra-sensibles et capables de traiter la tessiture large de l’instrument, contribue également à la définition de cette signature sonore caractéristique.
Cet instrument, comme tout instrument électrique, se prête particulièrement bien aux traitements d’effets divers.
Absolument tout, avec plus ou moins de bonheur : classique, jazz, world, rock, pop, reggae, expérimentale, etc : toutes les musiques peuvent être abordées avec le Stick, comme avec n’importe quel instrument. Reste que le bon goût n’est pas livré avec.